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L’entrepreneuriat social, un mode d’engagement collectif

La course effrénée à la croissance qui occupe nos gouvernements ne cesse de montrer ses limites. Nombreux et nombreuses sont ceux qui s’organisent déjà, que ce soit via la désobéissance civile, comme le camp climat de code rood pour dénoncer les forages gaziers, les ZAD (zones à défendre), comme à Haren pour dénoncer le projet de maxi prison qui menace des terrains verts, le plaidoyer comme le fait la via campesina afin de proposer un autre modèle agricole, ou encore par des actions bénévoles comme Singa ou Infirmier de rue.

Mais alors, quelle est la place de l’entrepreneuriat social pour contribuer à une transformation sociétale? Complémentaire à toutes ces actions, l’entrepreneuriat social trouve sa place comme outil pour montrer qu’il existe d’autres manières de voir le monde, de produire, d’échanger, de communiquer, et même de vivre. Nous considérons dès lors l’entrepreneuriat social comme une forme d’engagement et ceci, à trois niveaux.

La réponse à un enjeu de société

À l’inverse d’une entreprise “classique”, ce qui motive la création d’une entreprise sociale n’est pas le profit, mais bien la réponse à un enjeu de société. Et ça, c’est déjà sacrément radical! L’argent devient ici un moyen d’atteindre un objectif sociétal et ce dernier ne sera jamais sacrifié au profit de la rentabilité de la structure. Attention, cela ne veut pas dire que l’entreprise sociale ne cherche pas à être viable, bien au contraire! Les entrepreneurs sociaux proposent des solutions innovantes à des problèmes de société. Prenons par exemple WeCo qui propose un service de distribution dans l’habillement éthique ou Molenbike dans le transport professionnel à vélo.

On peut aussi s’immiscer dans un secteur qui propose déjà des solutions mais qui le fait uniquement dans une logique capitaliste. Ici, l’innovation ne vient pas de l’idée, mais bien de la manière de la proposer, du fonctionnement interne de l’entreprise, ou encore de la façon dont vont être redistribué les bénéfices. Par exemple Coop IT easy propose des services informatiques aux entreprises (un service qui existe déjà sur le marché), mais il le fait autrement. Ils choisissent de s’adresser principalement aux entreprises sociale à des prix abordables et en s’organisant en coopérative de travailleurs, une structure qui permet une vraie participation et appropriation des travailleurs à l’entreprise.

Une réflexion holistique

Ensuite, les entrepreneurs sociaux s’inscrivent souvent dans une réflexion qui va au-delà du problème sociétal qu’ils ont identifié. Ils questionnent également le rapport effréné au travail, les hiérarchies et les rapports de force au sein des entreprises, les façons de communiquer et de s’adresser les uns aux autres, le travail individuel vs le travail collectif, l’impact écologique de leurs actions, etc. Et c’est avec ces questions en tête qu’ils tentent de façonner des formes d’entreprises différentes telles que des coopératives ou des entreprises à finalité sociale, proposant ainsi une nouvelle manière de représenter le monde.

La redistribution et la gouvernance en entreprise

Enfin, les entreprises sociales diffèrent profondément du modèle capitaliste en assurant une redistribution limitée des bénéfices et une attention particulière aux écarts salariaux au sein des structures. Lorsque l’entreprise fait des bénéfices, ces derniers ne sont pas directement distribués entre les actionnaires, ou alors de façon limitée. Le modèle coopératif permet par exemple que ce soit l’ensemble des coopérateurs qui choisissent la façon dont les bénéfices seront redistribués, chaque coopérateur ayant un nombre égal de voix indépendamment du montant qu’il a injecté dans l’entreprise. C’est le principe “d’une personne = une voix” qui vient s’opposer à celui des entreprises classiques “d’une part = une voix”.

En outre, il y a une attention à limiter l’écart salarial entre les différents travailleurs et en fonction des statuts.  Chez le groupe Terre par exemple, il a été décidé d’exercer une tension salariale allant de 1 à 2,5. Parce que le groupe voulait préserver sa finalité sociale et questionner ce qui détermine les salaires, l’Assemblée générale a opté pour une tension salariale assez basse.

Entreprendre un projet dans cette démarche n’est alors certainement pas anodin! Il permet de contribuer à une transformation sociétale globale, en agissant en particulier sur la transformation de la sphère économique, et de montrer qu’il est possible d’avoir une activité économique qui soit respectueuse de l’humain et de la planète.